Depuis quatre générations, les Borde vivent à Poisson où Jean-François naît en septembre 1953. Dix-huit ans plus tard, il entre chez Eternit, une entreprise spécialisée dans la construction de tuiles, bardages et tuyaux en fibrociment et qui jouit d’une bonne réputation. N’offre-t-elle pas à ses employés pour les fêtes de Noël des spectacles et de jolies surprises ? À l’usine, il découvre la camaraderie, le syndicalisme, les plans de licenciement aujourd’hui appelés “plans de sauvegarde de l’emploi”, la valse des pré-retraites… et le lobby de l’amiante.

Les collègues tombent un à un

Au début des années 70, il ne sait rien sur le procédé Eternit, cet alliage ciment-amiante mis au point et breveté par un ingénieur autrichien à la fin du XIXe  siècle. Il voit juste des collègues tomber, un à un, de plus en plus nombreux au fil du temps. Mais de quoi meurent-ils exactement ? On parle de tabac, de faute à pas de chance, de poussière, jamais de fibre tueuse. D’ailleurs, les documents de la direction l’expliquent bien : l’amiante n’est pas plus dangereux qu’autre chose, il n’est nocif que s’il est inhalé à forte dose pendant longtemps, il a sauvé plus de vies qu’il n’en a détruit, sans compter que, si l’on devait l’interdire, l’usine fermerait… Face aux grands industriels du “magic mineral”, Jean-François pèse bien peu. Le jeune syndicaliste ne baisse pourtant pas les bras. Doux, courageux et organisé, il sait pour qui et pour quoi se battre. En 1976, la révélation de l’amiante à la fac de Jussieu à Paris met le feu aux poudres. Dans les années 90, on commence à parler d’un scandale sanitaire d’ampleur national. En 1997, Jean-François crée avec trois autres amis le Comité amiante prévenir et réparer (Caper). La même année, la cour d’appel de Dijon condamne l’entreprise Eternit de Vitry-en-Charolais pour faute inexcusable. Une belle victoire ! Mais Jean-François travaille toujours au service moulage où il fabrique des accessoires en amiante-ciment et des jardinières pour fleurir les terrasses des restaurants et cafés…

Au quotidien, il se bat pour sauvegarder les emplois et négocier les départs. Le 30 avril 2005, il quitte l’entreprise ; il a désormais les pieds et les poings libres pour faire avancer la cause des victimes et des veuves de l’amiante. Dès les débuts de son engagement, Christiane, son épouse, le soutient sans sourciller. Elle partage avec lui cette bonne volonté qui fait déplacer les montagnes et affirme comme son mari que « le travail c’est fait pour gagner sa vie, pas pour la perdre».

Jean-François est adhérent du PCF à la section ce Charolais/Brionnais