Le traitement médiatique des gilets jaunes, entre diabolisation, mépris de classe et incompréhension totale, certains n’hésitant pas à relayer sans distance les consignes données par l’Élysée, pose un grave problème démocratique. Et malgré la dramatisation grossière, orchestrée par le pouvoir et ses chiens de garde,
qui évoquaient le risque de « putsch » et des gilets jaunes venus « pour tuer », c’est une tout autre histoire qui s’est écrite samedi dernier, loin des images de violence en continu qui font le jeu de leurs meilleurs ennemis, les casseurs. Celle de centaines de rassemblements dans toute la France, où les colères trop longtemps étouffées ont décidé de faire cause commune dans la solidarité pour exiger d’une même voix la justice sociale et la justice climatique. Celle d’un soulèvement populaire pacifiste, qui est en train de s’enraciner dans tout le pays, dans des formes inédites.
Ce que l’oligarchie ne supporte pas, c’est que les gilets jaunes ont mis fin à son impunité. Et si Emmanuel Macron est si honni, c’est qu’il s’est méthodiquement rendu détestable, jusque dans sa gestion de ce conflit. L’exécutif a en effet usé et abusé de différentes stratégies pour disqualifier le mouvement des gilets jaunes. D’abord, en l’attribuant uniquement à l’extrême droite de Marine Le Pen. Ensuite, en tentant de le criminaliser ou de le réduire à un simple « ras-le-bol fiscal », dans lequel le Medef nagerait comme un poisson dans l’eau. Bruno Le Maire vient de resservir l’argument du « coût » économique, brandi à chaque grève. Mais chacun de ces pièges a été jusqu’ici déjoué. Mieux, ils se retournent contre le pouvoir. D’abord, parce que les groupuscules d’extrême droite, toujours en embuscade, sont en passe d’être marginalisés.
Les enjeux sociaux ont chassé les paniques identitaires qui polluaient le débat politique, ces dernières années. Aux risques du « chaos » avancé par le gouvernement, les gilets jaunes rappellent la violence des puissants qui ne fait pas souvent la une des 20 heures. Celle subie tous les jours par des corps que le néolibéralisme tue à petit feu. Macron est pris au piège de sa brutalité et s’accroche à son trône, au risque d’une guerre sociale, qui a déjà fait de trop nombreuses victimes.