IAN BROSSAT : « NOUS REVENDIQUONS D’ÊTRE LA LISTE REPÈRE À GAUCHE »

Vendredi, 17 Mai, 2019

Julia Hamlaoui

À une semaine du scrutin européen, Ian Brossat compte bien concrétiser dans les urnes une dynamique de campagne qui « signe le retour du PCF sur la scène nationale ». Dans la dernière ligne droite, la tête de liste communiste appelle à convaincre les abstentionnistes. Entretien.

Àdix jours du scrutin, le gouvernement, malgré les mobilisations sociales, continue de détricoter les droits en s’attaquant, cette fois, à la fonction publique. Comment « mettre un carton rouge à Macron », le 26 mai ? Est-il votre principal adversaire dans cette campagne ?

Ian Brossat Nous avons deux adversaires dans cette campagne. Les macronistes au pouvoir et leur concurrent favori, l’extrême droite. Emmanuel Macron et Marine Le Pen se livrent à une mise en scène ridicule où l’un prétend faire barrage à l’autre. Ils réduisent cette élection à ce faux duel entre fachos et libéraux dans le but commun d’évincer la gauche. Ce que nous proposons, c’est de faire émerger une gauche claire et offensive sur le devant de la scène, et pour cela d’utiliser notre bulletin rouge, le bulletin du Parti communiste et de la liste que je conduis.

Vous proposez une « clause de non-régression sociale ». Qu’y gagneraient concrètement les européen-nes ?

Ian Brossat La clause de non-régression, c’est une assurance-vie contre les réformes libérales imposées par Bruxelles. Les directives de libéralisation nous ont poussés à démanteler nos entreprises publiques, à instaurer la concurrence au détriment des usagers et des salariés. Dans le domaine de l’énergie, ils promettaient que la concurrence ferait baisser les prix, c’est le contraire qui est arrivé. Le prix de l’électricité va augmenter de 6 % la semaine qui suit les élections ! Nous assistons au même triste spectacle dans le domaine du ferroviaire, avec le démantèlement de la SNCF et les tarifs des billets de train qui s’envolent déjà. La clause de non-régression est un outil tout simple : les textes européens ne pourront qu’améliorer les droits des salarié.e.s. Les peuples auront un droit de veto automatique face à toute tentative de faire passer de nouvelles régressions, comme la directive Bolkestein et le travail détaché. Et tant pis pour les lobbyistes des multinationales.

Les traités budgétaires européens sont souvent invoqués pour tenter de discréditer toute alternative en Europe. Ce débat est-il pour vous dépassé ? Quelle méthode préconisez-vous pour s’affranchir des règles austéritaires ?

Ian Brossat Il faut rompre avec la logique des traités. Ils ont fait de l’Union européenne l’inverse de ce qu’elle devait être. Au lieu de la paix, de la croissance et de la justice, on a obtenu la concurrence, la crise et la précarité. On nous a vendu Flipper le dauphin et on se retrouve avec le requin des Dents de la mer… S’affranchir des traités, c’est possible. Dans la réalité, les gouvernements français ou allemand l’ont déjà fait à de nombreuses reprises, quand leurs dirigeants jugeaient que c’était utile… Parallèlement, nous pouvons écrire de nouveaux traités pour faire de l’Union européenne un outil de progrès social avec tous les pays membres qui le souhaitent. Aujourd’hui, la Commission européenne lance des procédures de sanction pour déficit excessif. Elle en a lancé 24 depuis 2011. À quand une procédure de sanction pour « pauvreté excessive » face aux gouvernements qui ne font rien pour réduire les inégalités ? Nous comptons 87 millions de pauvres au sein de l’Union européenne, 10 de plus qu’il y a 10 ans. C’est le système de valeur de cette Union européenne libérale qu’il faut revoir de fond en comble. La Commission peut bloquer un budget entier s’il ne correspond pas aux absurdes critères de Maastricht, mais elle ne fait rien quand un gouvernement d’extrême droite comme celui qui est au pouvoir en Italie instaure une amende de 5 500 euros contre les citoyens qui sauvent les migrants de la noyade !

Vous êtes l’une des surprises de cette élection. Vos performances médiatiques et le succès militant de votre campagne sont même salués dans la presse. Comment traduire cette dynamique en votes dans la dernière ligne droite ?

Ian Brossat Comme nous n’avons pas eu de candidat à l’élection présidentielle, les sondages ont du mal à nous estimer. Il y a une vraie dynamique de terrain, mais aussi dans les soutiens que nous recevons et qui viennent de toute la gauche. Je suis convaincu que nous pouvons réaliser une belle percée et faire élire des députés européens communistes le 26 mai. Mais beaucoup hésitent encore. Il faut aller chercher les voix une à une. Pour cela, nous avons un outil redoutable : notre téléphone ! Je le demande à celles et ceux qui nous lisent : aidez-nous. Donnez-nous ce petit coup de pouce qui nous permettra de faire événement le 26 mai au soir. Faites l’expérience en appelant vos amis, vos connaissances : nombreux sont ceux qui oublient qu’on vote le dimanche 26 mai. Pour convaincre, nous pouvons revendiquer d’être LA liste repère à gauche. Le PCF est le seul parti de gauche à avoir toujours rejeté les traités européens libéraux. Nous sommes également la seule liste à être composée à 50 % d’ouvrier.e.s et d’employé.e.s. Avec notre bulletin de vote rouge, nous pouvons faire l’Histoire : faire élire Marie-Hélène Bourlard, la première ouvrière au Parlement européen depuis 30 ans. Imaginez une seconde : Marie-Hélène faisant son entrée au Parlement pour porter la voix de ceux qui, si souvent, ne sont pas entendus dans cette instance dominée par les lobbies et les banques. Cela vaut la peine de se battre pour y arriver !

Pensez-vous d’ores et déjà avoir marqué des points en donnant une nouvelle image de votre parti ?

Ian Brossat Le Parti communiste change et, comme le dit Fabien Roussel, il est de retour sur la scène nationale. C’est un acquis de notre campagne, mais c’est surtout un jalon pour la suite. Car la gauche a besoin d’un PCF visible, clair, offensif et rassembleur. La gauche est en crise, il lui faut des repères ! Les Français doivent savoir qu’ils ont une force sur laquelle compter pour reconstruire la gauche de demain, dans la clarté et l’unité. J’ajoute un élément : nous traversons une période où beaucoup de gens doutent de la politique. La confusion généralisée y est pour beaucoup. Rendez-vous compte : 20 % des eurodéputés qui se représentent ont changé de parti depuis la dernière élection. Comment voulez-vous que nos concitoyens s’y retrouvent ? Au moins, quand on envoie des communistes au Parlement, on envoie des gens constants, cohérents, qui ne changent pas d’avis comme de chemise.

Vous avez déjà appelé la gauche – dont les scores additionnés risquent de ne pas dépasser les 30 % – à « retrouver le chemin du rassemblement » après les européennes. Pourquoi ce qui serait possible demain ne l’est pas aujourd’hui ?

Ian Brossat Les élections européennes sont particulières : à un seul tour, à la proportionnelle. Elles poussent à l’émiettement. Il en sera tout autrement pour les élections municipales de 2020. C’est pourquoi je crois fermement à l’émergence d’une volonté bien plus puissante de rassemblement. Je compte y prendre toute ma place, avec mes camarades.

L’abstention s’annonce à nouveau très élevée, en particulier dans l’électorat de gauche, laissant les mains libres au pouvoir macroniste et à l’extrême droite. Quels sont vos arguments pour les convaincre de se rendre aux urnes et d’y glisser un bulletin PCF ?

Ian Brossat Mon argument est simple : 100 % des banquiers, des grands patrons, des actionnaires, des financiers iront voter. Les grands supporters de la droite et de l’extrême droite ne se priveront pas de mettre un bulletin dans l’urne ! Si le peuple de gauche, si les habitants des campagnes et des quartiers populaires restent chez eux, ils laissent la victoire à ceux qui nous écrasent. Et si certains estiment que les enjeux européens ne valent pas la peine de se déplacer dimanche 26 mai, qu’ils réfléchissent : cette fois-ci, ils ont l’opportunité d’envoyer à Bruxelles la première députée ouvrière depuis trois décennies !

entretien réalisé par julia hamlaoui