L’Humanité a déjà affronté de nombreux obstacles, difficultés et tempêtes au cours de son histoire, dont des saisies et des attaques contre son siège. Mais, pour la première fois, nous sommes convoqués au tribunal par un État étranger qui entend nous faire taire et nous intimider.

Le royaume du Maroc a ainsi assigné l’Humanité en justice pour diffamation, après avoir été confondu par l’association Forbidden Stories dans le scandale des écoutes par le logiciel espion Pegasus. Après nos confrères du Monde, de Radio France et de Mediapart, c’est au tour de l’Humanité d’entrer dans le viseur des autorités marocaines. Cette manœuvre d’intimidation cible notre journaliste Rosa Moussaoui, dont le nom figurait dans la liste des personnes espionnées et qui, à plusieurs reprises dans nos colonnes, a courageusement fait état des pressions, harcèlements et barbouzeries en tout genre exercées au Maroc contre des journalistes, des avocats et des personnalités progressistes diverses défendant les droits humains.

Cette agitation procédurière n’est ni un signe de force, ni un témoignage de sérénité. D’autant que les preuves de l’utilisation par le Maroc du logiciel fabriqué et supervisé par la société israélienne NSO sont légion et accablantes. Ils et elles seraient 30 000 à figurer sur les listes des personnes espionnées par le palais : militants politiques et syndicaux, avocats, défenseurs des droits de l’homme, journalistes, élus, jusqu’aux plus hautes autorités de l’État français qui, jusqu’ici, n’a pas eu le courage de manifester sa réprobation face à ces pratiques hostiles et attentatoires à la dignité des citoyens français.

Cette attaque en justice, aussi scandaleuse et déplacée soit-elle, doit être prise au sérieux. Elle témoigne de l’acharnement dont use le pouvoir marocain pour faire taire toute critique à son encontre et entraver l’exercice d’un journalisme indépendant et décidé à informer les citoyens des combats qui se mènent à travers le monde contre l’arbitraire. C’est aussi une guerre d’usure, autant judiciaire que financière, que mène le gouvernement marocain pour qu’au final nous finissions par céder et nous autocensurer.

Nous ne céderons rien, ni aux menaces, ni aux intimidations. Nous continuerons notre travail, nos investigations, nos reportages et nos révélations. Comme le disait Jean Jaurès, « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire » ; nous ne manquons ni de courage, ni de détermination.

C’est en toute confiance que nous répondrons dans les prétoires à ces provocations. Aussi, nous appelons toutes les personnes attachées à la liberté de la presse et à la défense des droits humains à se mobiliser partout où elles le peuvent, et notamment à participer à la soirée de soutien à la presse libre, à l’Humanité et à l’ensemble des journalistes menacés, lundi 25 octobre à la bourse du travail de Paris. Nous nous plaçons une fois de plus sous votre protection. Notre détermination collective fera notre force !